Depuis son domicile où, crise sanitaire oblige, il assure à distance le bon fonctionnement de son barreau, le bâtonnier Rémy Lévy revient sur une carrière où le droit et le sport ont toujours cohabité.

« Ce que finalement je sais sur la morale et les obligations des hommes, c’est au sport que je le dois. » C’est avec un sourire dans la voix que Rémy Lévy cite cette phrase d’Albert Camus. Celle qu’il préfère, confie-t-il, et qui lui correspond le mieux. Né en 1956 à Orléansville, en Algérie, ce fils d’un couple de greffiers a en effet d’abord nourri une passion pour le ballon rond. « Lorsqu’on me demande comment je suis devenu avocat, je réponds en plaisantant que c’est parce que mes parents m’ont empêché d’entrer au centre de formation de Nîmes Olympique », raconte-t-il en riant. « Plus jeune, le football était toute ma vie. À Poitiers, où nous avons déménagé en 1962, j’attendais la fin des cours pour pouvoir aller m’entraîner. » L’atavisme familial aura finalement raison de sa passion : après des études de droit à Montpellier, où son père avait été muté, il prête serment en 1978 et troque définitivement les crampons contre la robe. Il pousse alors la porte du cabinet montpelliérain Delmas, du nom de l’ancien maire de Montpellier qui le dirigeait alors, devenu aujourd’hui Lévy-Balzarini-Sagnes-Serre.
Du ballon au bâton. Au sein du cabinet montpelliérain qui l’a vu grandir, il exerce toujours en droit commercial et immobilier, en particulier dans le domaine de l’assurance-construction. Pendant toutes ces années, Rémy Lévy n’a pour autant jamais tiré un trait sur son amour du sport… même si, entre-temps, un ballon en a remplacé un autre. En 2007, à l’occasion d’un match du Montpellier Handball (MHB), il fait la rencontre de l’ex-président du club qui lui propose de créer leur société sportive professionnelle. Une mission en entraînant une autre, l’avocat devient en 2011 le président du MHB. Le club enchaîne alors les victoires, mais aussi les coups durs ; Rémy Lévy se retrouve notamment au cœur de l’affaire des paris truqués, qui avait impliqué des joueurs tels que Nikola Karabatic. « Heureusement, mon expérience d’avocat m’a permis de gérer au mieux les aspects judiciaires de l’affaire et la communication qui l’entourait », confie-t-il. Quelques mois plus tard, il fait entrer au capital social du club non plus un seul actionnaire, mais 15 entreprises locales issues de secteurs variés. « On a redémarré, et le cycle s’est conclu par un deuxième titre de champion d’Europe en 2018 », se félicite-t-il.
En parallèle, Rémy Lévy s’implique dans la vie de sa profession. Et depuis le 1er janvier 2019, il a succédé à Bernard Beral à la tête de l’ordre des avocats de Montpellier et de ses quelques 1 200 avocats. « Je suis en fin de carrière, et je me suis dit que c’était le moment ou jamais de rendre à ce barreau tout ce qu’il m’avait donné », explique celui qui reconnaît néanmoins s’être engagé pour un mandat « très difficile ». « Mais ce barreau me donne beaucoup d’énergie, surtout les jeunes qui sont formidables et me donnent envie de me battre pour eux. » Des jeunes avec lesquels il a d’ailleurs participé le 11 mars dernier au relais pour la justice, à l’initiative de son barreau. Une course reliant Montpellier à Paris à l’issue de laquelle, dans le cadre de la lutte contre la réforme des retraites, une délégation d’avocats a remis au ministère de la Justice des cahiers de doléances collectés auprès de différents tribunaux hexagonaux.
Poursuivre le combat. Cette journée, Rémy Lévy en garde un souvenir marquant. « Nous avons démontré la jeunesse de nos barreaux, et que l’image de l’avocat sédentaire appartenait au passé. J’ai été très touché par l’ambiance de fraternité qui régnait. Je ne pensais jamais vivre un tel mouvement d’unité nationale. » Un moment d’espoir et d’harmonie de courte durée, l’épidémie de COVID-19 ayant, depuis, frappé la France de plein fouet… « Partout les juridictions sont à l’arrêt et le strict minimum est assuré au pénal, avec tous les problèmes sanitaires que cela pose dans les permanences », déplore le bâtonnier. « Les avocats sont aujourd’hui très angoissés, car nous sortons de 2 mois de grève et les perspectives liées au coronavirus ne permettent pas d’espérer une reprise d’activité rapidement. Il faut être lucide ; c’est un véritable plan Marshall qu’il faudra mettre en place pour relancer une partie de la profession. » Pour l’heure, le barreau de Montpellier met tout en œuvre pour apporter l’aide nécessaire à ses membres confinés, et parfois isolés, à coups de vidéoconférences et de mise en place d’adresses mail dédiées. « Nous essayons de faire en sorte que tous les confrères aient les relais nécessaires. Pour les bâtonniers, actuellement, la priorité est d’être sur le terrain et de rester disponibles. Nous avons grand intérêt à rester unis et à garder la dynamique qui nous a animés pour la réforme des retraites. » Et après ? « Le 31 décembre prochain, date de la fin de mon mandat, ne sera pas la fin de mon implication dans la profession », promet Rémy Lévy. « Il y aura beaucoup de choses à faire. Je suis disponible pour aider au plan national si besoin, et je resterai bien sûr à la disposition de mon barreau. Je continuerai le combat sous une autre forme. »
Chloé Enkaoua
Gazette du Palais du 8 avril 2020
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